Jerome Poulalier

 

Une photo une histoire :

Regarder la coupe du monde 2018 dans le désert jordanien.

 

 

Une équipe de chercheurs en plein désert jordanien.

Dimanche 15 Juillet 2018, la France oppose la Croatie en finale de la coupe du monde. Quand la grande majorité des français se retrouve entre amis au bar ou chez les proches, une équipe de 18 personnes est perdue au milieu du désert du sud-est Jordanien à 3 heures de route du premier village. Une mission archéologique est en cours, impliquant des chercheurs et archéologues syriens, jordaniens, allemands, espagnols, américains mais aussi français. Après presque deux semaines complètes coupés du monde sans internet, ni réseau quelconque, leur seul moyen de communication avec l’extérieur reste la radio et le téléphone satellite, dédié à la veille sécuritaire pour l’ambassade. Le téléphone peut recevoir des messages, les français de l’équipe ont ainsi appris la nouvelle de la finale… Une motivation suffisante pour forcer 18 personnes à trouver un moyen de regarder le match.

 

 

Comment regarder un match sans réseau ni télé ? 

Mais comment avoir accès à un poste de télévision au milieu du désert ? L’option la plus rapide rapidement envisagée consiste à se rendre au poste de douane à la frontière saoudienne, à 26 km à vol d’oiseau de leur campement. Après quasiment une heure de déambulation désertique en 4×4 sans la moindre assurance que le poste de douane possède une télévision et encore moins d’un dispositif de diffusion en direct, deux pickups arrivent à El-Inab. Le poste de police est plus que sommaire, les fenêtres sont camouflées par des matelas entassés, mais le salon possède une télévision. Le duo de douanier coopère face à la douzaine d’étrangers venus chercher “secours”. Mais malgré une parabole et près de 800 chaines de télévisions, les seules images diffusées sont celles de Paris et de Zagreb partageant l’euphorie de l’avant match.

 

L'entrée du poste de police d'El Inab à la frontière saoudienne.

À l'intérieur du poste de police, deux douaniers et un poste de télévision connecté à une parabole qui propose près de 800 chaines. Aucune ne diffusera le match en direct, simplement des images d'avant match pour mettre l'eau à la bouche à toute l'équipe.

 

Les pick-ups repartent déçus au campement. Le poste de radio capte finalement une onde qui diffuse la fin du match en direct, en arabe. L’explosion de joie envahit le campement quand les locaux annoncent le dernier but de Mbappé, portant le score à 4-2 pour la France.

L’expédition coupe du monde aurait pu en rester là... Mais, coup du destin, une archéologue de l’équipe doit être rapatriée à la capitale jordanienne pour raisons médicales et revient quelques jours plus tard avec un vidéo projecteur et une clé USB contenant le match dans son intégralité, commenté en arabe mais qu’importe. La consécration, nous allons pouvoir revivre le match qui nous aura propulsé au rang de champions du monde, sur grand écran, en plein milieu du désert jordanien. Avec une rallonge depuis le groupe électrogène, les membres d’une mission archéologique internationale et la toile tendue d’une tente en guise d’écran de projection, c’est une semaine après le reste du monde que l’équipe a ainsi pu revivre ce moment historique, autour d’une spécialité locale cuisinée spécialement pour l’occasion. 

Bien que résultat soit connu d’avance, ce moment unique restera gravé dans les mémoires de tous. 90 minutes de plaisir, partagées entre toutes ces nationalités, venant casser une routine désertique longue de plusieurs semaines et offrir un instant de partage inoubliable dans un contexte incroyable.

 

Angle de vue différent de l'installation du video-projecteur sur la tente blanche qui aura permis de revivre ce match de coupe du monde.

 

 

Une photo une histoire.

UNE PHOTO UNE HISTOIRE c’est une série d’articles courts, destinés à raconter l’histoire derrière certaines images qui ont retenues mon attention ou celle de mon réseau au cours de ces dernières années. Un focus sur une nouvelle image à chaque article, de l’argentique au numérique, du travail de reportage aux séries personnelles, retour sur l’histoire d’une fraction de seconde.

 

 

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